Une femme souffrant de méningiomes (tumeurs au cerveau), après avoir pris de l'Androcur durant deux décennies, a fait condamner au civil trois laboratoires fabriquant ce traitement hormonal et ses génériques, une première.
"Le tribunal déclare la SAS Bayer HealthCare, la SAS Sandoz, la SAS Viatris Santé (...) responsables des préjudices subis" par la patiente, écrivent les juges du tribunal de Poitiers dans leur décision consultée par l'AFP, sanctionnant un défaut d'information sur les risques du médicament.
Les laboratoires (à hauteur de 97%), ainsi que le médecin (2%) et le pharmacien de la victime (1%), sont condamnés à lui verser solidairement environ 325'000 euros, dont 20'000 EUR au titre du préjudice moral et 305'000 EUR au titre de la perte de chance. Cette indemnisation est assortie d'une exécution provisoire partielle, pour les laboratoires, à hauteur de 25%.
Le groupe Bayer, "en désaccord avec la décision du tribunal" qui "s'inscrit à rebours", selon lui, de rapports d'expertise ayant écarté "toute faute ou défaut d'information" sur l'Androcur, a annoncé qu'il ferait appel.
La plaignante âgée de 55 ans, qui a pris ce médicament puis ses génériques entre 1991 et 2013 pour traiter un syndrome des ovaires polykystiques, a développé plusieurs méningiomes, tumeurs non cancéreuses des membranes entourant le cerveau qui peuvent provoquer de graves handicaps neurologiques.
Multiplication des procédures
Souffrant aujourd'hui de troubles visuels et de la mémoire, ainsi que d'une fatigue importante, elle assure n'avoir jamais été prévenue des risques du traitement, alors qu'un article scientifique a évoqué dès 2008 un lien entre la molécule (acétate de cyprotérone) et l'apparition de méningiomes.
Le dommage né de la pathologie qu'elle a développée, tenant aux méningiomes diagnostiqués en 2013, "est bien le résultat des traitements médicamenteux à base d'acétate de cyprotérone qu'elle a continué à prendre" jusqu'à cette date, "notamment à compter de 2008", écrivent les juges.
Selon Me Romain Sintès, avocat de la quinquagénaire, cette décision ouvre la porte à "une multiplication des procédures" d'indemnisation. "On est en train de constituer 750 dossiers", dont "une centaine sont en cours d'expertise ou ont fait l'objet de premières requêtes et de premières procédures judiciaires", a confirmé Me Charles Joseph-Oudin, conseil d'une association de victimes, l'Amavea, saluant une décision "essentielle".
Des plaintes pénales ont également été déposées à Paris, selon le conseil, et une procédure engagée devant le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) vise à engager la responsabilité de l'État.
Changement de notice
L'Androcur a été prescrit, à partir de 1980, à de très nombreuses femmes comme pilule contraceptive, pour traiter des problèmes d'acné et de pilosité, ou pour soulager les symptômes de l'endométriose.
Après l'alerte de 2008, le risque de méningiome a été introduit dans la notice en 2011 par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), avant que sa confirmation scientifique, dans un rapport remis en 2018 au ministère de la Santé, ne fasse chuter les prescriptions.
À l'audience en avril, Bayer avait rejeté la faute sur l'ANSM, qui a tardé selon lui à réagir, et sur les fabricants de génériques, la patiente n'ayant pris de l'Androcur que jusqu'en 2004, avant de poursuivre son traitement avec les produits de Sandoz et Viatris jusqu'en 2013.
Les juges ont cependant estimé que Bayer, qui n'a informé du changement de notice de l'Androcur que les médecins spécialistes et non les généralistes, ni les pharmaciens, a manqué à son devoir d'information des patients. Idem pour Viatris et Sandoz, qui n'ont changé la notice de leurs génériques qu'après 2013, date du diagnostic des méningiomes de la plaignante.
"En dépit de ce que nous racontaient les laboratoires, ils avaient les moyens de communiquer sur des effets secondaires particulièrement graves, invalidants et surtout irréversibles, qu'ils connaissaient depuis 2008", pointe Me Sintès.
"C'est une grosse victoire", renchérit sa cliente, satisfaite des responsabilités imputées aux laboratoires, davantage qu'à son médecin et à son pharmacien. "J'avais peur qu'ils paient pour eux", a-t-elle dit à l'AFP, "plus que jamais prête" à poursuivre son combat en appel.
Cet article a été publié automatiquement. Sources : ats / afp